Encore une fois, les journalistes de Radio-Canada sont tombés à bras raccourcis sur l’homéopathie. Régulièrement, à Enquête, La facture, ou Les grands reportages, ils font un reportage « choc » pour dénoncer l’inefficacité de cette pratique.
Un jour, au hasard d’amies communes et d’un party de Noël, j’ai rencontré une des journalistes d’Enquête et lui ai demandé pourquoi ils s’acharnaient tant sur les homéopathes… Elle m’a répondu, sans trop de conviction il m’a semblé, « il faut protéger le public »… Mais de quoi, donc? On ne cesse de répéter que les remèdes homéopathiques ne contiennent que du sucre et que leur effet n’est que placebo. En plus, les produits sont bon marché – personne ne s’enrichit, ici. Il n’y a ni fraude, ni corruption, ni crime, ni mort, ni lésion… Déception, tout au plus, pour les personnes chez qui le produit n’a pas marché. Ce n’est rien, comparé au cas de cette dame, par exemple, emportée par la grippe en 24 heures, alors que – l’article le précise – elle s’était pourtant fait vacciner. Où est ce danger si important?
Les pharmacies sont remplies de produits en vente libre qui sont pratiquement sans effet : produits anti-âge, fortifiants, pour nettoyer le foie, purifier le sang, contre la toux, la tendinite, les problèmes articulaires, etc… Il y a un grand nombre de médicaments approuvés dont les seuils reconnus d’efficacité ne dépassent pas les 40% – c’est-à-dire autour du seuil d’efficacité qu’on accorde aux placebos. Pourtant, on ne s’en formalise pas. On laisse faire les gens, on fait confiance à leur jugement. Alors pourquoi s’en prendre au produit homéopathique? Si ça se trouve, c’est le moins nocif des produits en pharmacie. Je trouve ça louche.
En fait, l’homéopathie dérange parce qu’elle repose sur une science, une histoire et une philosophie qui contredisent le consensus médical et relativisent les principes de la méthode scientifique. Si on admettait un jour l’efficacité de l’homéopathie, ce sont les fondements même de la biologie et de la recherche scientifique dans sa forme actuelle qu’il faudrait requestionner. Ça serait une catastrophe épistémologique – avant d’être aussi financière.
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Dans ma fratrie, il y a trois médecins (incluant mon frère décédé) et une pharmacienne. Mais parmi mes amis et amies, je compte sept homéopathes – dont trois sont aussi médecins, une a un doctorat en sociologie; une autre, pharmacienne diplômée, a exercé quelque temps avant de se consacrer à l’homéopathie. Et moi, j’écoute tout le monde avec la même amitié, la même intelligence et le même intérêt.
Il y a environ deux ans, à la suite d’une grippe, j’ai continué de tousser pendant plusieurs mois. Quand j’ai commencé à cracher du sang, je suis évidemment allée voir le médecin. J’ai passé trois radiographies, deux TACO, une bronchoscopie (un examen invasif et douloureux), plusieurs analyses de laboratoire et deux tests des capacités pulmonaires, pour que finalement le pneumologue me diagnostique une affection chronique des bronches. Il ne m’a prescrit aucun médicament car il n’y a pas de traitement pour cette affection : seulement la prudence, comme de prendre des antibiotiques si on a la grippe, histoire de limiter les causes de toux. Quelques mois plus tard, je suis retournée le voir pour un contrôle : je n’avais plus rien, je ne toussais plus. Il m’a regardée l’air songeur pendant quelques secondes, mais il n’a rien dit. A-t-il pensé qu’il s’était peut-être trompé de diagnostic? Je ne sais pas. Je ne lui ai pas dit que j’avais été soignée en homéopathie. Personne ne veut entendre ces histoires – ces « anecdotes » pourtant innombrables.
Avec l’homéopathie, on est loin de l’apothicaire de quartier qui bidouille un remède-miracle dans son arrière-boutique. Les homéopathes sont des gens cultivés, diplômés, et éduqués scientifiquement. En Europe, où l’homéopathie existe depuis plus de 200 ans, plusieurs médecins sont aussi homéopathes. Traditionnellement, tous les homéopathes européens étaient aussi médecins, en fait. En Grande-Bretagne, on estime que six millions de personnes consultent en homéopathie – c’est-à-dire qu’ils préfèrent payer pour voir un homéopathe plutôt que de profiter d’un système de santé officiel gratuit (voir le documentaire Just One Drop). On pratique l’homéopathie sur tous les continents actuellement. En Inde, il y a plus de 200 collèges d’homéopathie accrédités par le gouvernement.
Nos journalistes ne font jamais de recherche sur l’homéopathie – sinon, ils trouveraient une longue histoire, une méthodologie rigoureuse, des praticiens nombreux et sérieux, une immense bibliographie, dont des matières médicales très fouillées et un nombre incalculable d’articles savants et d’études scientifiques. Prévenons qu’ils trouveraient aussi des idées scientifiques qui mettent nombre de « sceptiques professionnels » en apoplexie. Les journalistes de Radio-Canada ne font pas de recherche car ils endossent la doxa qui dit que seule l’opinion médicale officielle est valable : inutile, donc, de consulter qui que ce soit d’autre. On a dit, dans l’émission de la semaine dernière, que « aucune étude scientifique reconnue ne cautionne l’efficacité de l’homéopathie ». Portez attention à l’adjectif « reconnue »… car il existe, de fait, un grand nombre d’études sur l’homéopathie, toutes études rejetées au prétexte que « le produit ne contient rien d’autre que du sucre et du lactose », cette formule-choc qu’on ne cesse de répéter et qui est, en fin de compte, le seul argument contre toute l’approche homéopathique.
C’est vrai, le remède homéopathique n’est pas de nature chimique ou biochimique comme les médicaments habituels. Il est d’une nature qu’on ne comprend pas encore : est-ce électromagnétique? Quantique? Psychoïde? De l’ordre de l’information? Cette question nous amène effectivement sur une terra incognita de la science actuelle (car on ne peut quand même pas raisonnablement imaginer qu’il ne reste plus de territoires inexplorés, inconnus, insoupçonnés). Le jour où on découvrira le principe qui est à la base de la dilution homéopathique, ce sera une révolution en biologie et en médecine. Cette révolution ne réhabilitera pas seulement l’homéopathie, mais ouvrira la porte à des découvertes inouïes en médecine et des champs immenses de nouvelles connaissances… Pourquoi pas? Il y a eu plusieurs révolutions paradigmatiques en science : rappelons l’ouvrage classique de l’historien des sciences Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, qui nous permet de comprendre qu’une telle révolution n’est pas seulement possible, elle est probable. Sauf si, comme maintenant, on empêche tout effort de recherche et de réflexion sur le sujet et qu’on isole dans un brouillard d’opprobre ceux qui se penchent sur le problème.
La vraie science sait douter, elle sait hésiter, elle sait laisser ouverts des dossiers qu’elle ne comprend pas ou si elle soupçonne qu’il lui manque des éléments. Avant de découvrir la théorie quantique, on avait laissé ouvert le dossier de la nature de la lumière pendant des décennies. Les scientifiques de l’époque ont su vivre avec cette dissonance et accepter de travailler avec des théories qui se contredisaient mutuellement et des résultats expérimentaux inexplicables par la théorie classique alors en vigueur. Leur patience a été récompensée quand la puissante théorie des quanta est venue expliquer et réconcilier l’ensemble des observations. L’homéopathie est un tel dossier : on ne comprend pas comment opère le remède à dilution infinitésimale mais nous sommes nombreux à observer ses effets. En science, ceci s’appelle une anomalie et indique qu’il faut chercher une théorie unificatrice. Actuellement, on empêche cette recherche de se faire en lynchant ce mystère sur la place publique, et en le relynchant encore et encore, car on a beau dénoncer l’existence de ces granules de sucre, l’homéopathie reste toujours vivante. La seule raison étant, bien sûr, son efficacité.
Je salue mes amies et amis homéopathes qui persistent dans l’adversité et je célèbre leur génie.