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Un an plus tard…

Je n’ai jamais voulu arrêter d’écrire… J’avais trouvé un rythme qui convenait à mes obligations universitaires, je publiais ici environ aux deux mois, et peu à peu, j’avais de plus en plus de lecteurs. Je n’ai jamais eu particulièrement d’ambition de ce côté, de toute façon; je ne m’attends pas à multiplier les « likes ». Mais j’aime ce médium, c’est plutôt ça. J’aime écrire, comme ça, à la ronde, sans comité de lecture et pour publication immédiate.

Mais je n’ai rien écrit depuis octobre l’année dernière… Treize mois maintenant. En réalité, c’est plutôt en novembre que j’ai arrêté d’écrire sur ce blog: c’est la catastrophe américaine qui m’a laissée littéralement sans voix.

J’étais tellement en colère que je ne pouvais rien écrire de raisonnable ou de décent. Et je n’étais pas en colère contre les gens de droite ou populistes, ou contre ceux qui ont voté pour lui, mais contre nous, les gens de gauche. Oui, nous! Car je pensais qu’on y était pour beaucoup. Je le pense encore. Je pense que cette catastrophe est en grande partie of our own making, comme disent les Anglais. Bon, ça fait un an, maintenant, et je n’ai plus l’élan de déplier mon argumentaire pour dire pourquoi c’est ce que je crois. D’autres (ici la sociologue Dominique Meda et ici Boucar Diouf) l’ont bien expliqué, de toute façon.

Je n’étais pas seulement en colère. Je suis aussi restée longtemps sidérée, incapable de penser à autre chose, presque paniquée. J’essayais de chasser de mon esprit les images d’interventions armées, de catastrophes écologiques, de crises économiques, et toutes les formes d’injustices et de répression qui menaçaient de se produire… Sans compter ma plus grande peur à vie: un régime de plus en plus totalitaire. Et puis cette impression que plus jamais le monde ne serait le même, ou même qu’il serait quelque chose qu’on pourrait qualifier de « normal ». Je me sentais intoxiquée, comme si j’avais ingéré un poison ou une drogue. Et je voyais bien, aussi, que plein de gens autour de moi vivaient la même chose. J’ai des amis sur Facebook qui, encore aujourd’hui, un an plus tard, partagent des articles du New York Times, du Washington Post et de bien d’autres média moins recommandables, pratiquement tous les jours. Ce qui signifie qu’ils y pensent à tous les jours. C’est comme un état altéré.

Au début de septembre cet automne, j’ai commencé à rédiger un article, intitulé provisoirement « Dix mois plus tard » – je voulais écrire exactement ce que je suis en train d’écrire aujourd’hui. Mais j’ai vite réalisé que j’avais encore beaucoup trop de colère… tout ce que j’écrivais tournait autour de ça. Alors j’ai attendu encore. Aujourd’hui ça va mieux.

Donc je pense que je peux reprendre ce blog. Je suis allée en Bretagne en octobre, pour un colloque fort intéressant sur lequel j’aurais envie d’écrire. Je vais le faire bientôt.